Lors de son séjour à Košice, František Foltýn, outre la peinture, traitait la question du style national. Dans l’environnement tchèque, son expression se retrouve dans les années 1920, par exemple dans de nombreuses réalisations architecturales de ce que l’on appelle le rondocubisme, qui utilise la forme cubiste comme base. L’artiste était très proche du groupe morave Koliba, dont les membres étaient entre autres, Josef Kubíček ou Ferdiš Duša. Le thème de l’art national y résonnait fortement avec les tendances panslaves. Dans le cadre de la recherche de l’identité commune de l’art tchécoslovaque et de ses suppositions, on a souvent tenté de combiner l’histoire d’une tradition bien fondée et d’un élément progressiste lié principalement à l’avant-garde. C’est pourquoi l’utilisation due aux éléments cubistes est justifié chez Foltýn, à une époque où, par exemple, en France, le style a longtemps été abandonné par les artistes. Ainsi, dans la conception de Foltýn, il ne s’agit pas d’un raisonnement éclectique, mais d’un plaidoyer ciblé utilisant le cubisme comme méthode : « Ce serait beau si le cubisme peint n’était pas seulement une décoction française picassienne dans notre pays mais si le cubisme était le nôtre racialement. Lorsque l’art racial sera présenté devant le Forum mondial, il paraitra inhabituel par son caractère distinctif, par l’expression de son paysage et de son ethnie, et portera le sceau évident de sa race. Ainsi, il est possible aussi de donner à la nation sa propre tradition artistique. » (František Foltýn, Art national et cosmolitisme, Slovaquie de l’Est, n ° 231, 9.10, p. 4).
Foltýn également choisi des thématiques susceptibles au concept nationale tel que le paysage slovaque avec teinte sociale et l’art slovaque du roman psychologique en forme moderne (Raskolnikov, Dostoïevski). La Vierge bleue comporte des citations évidentes des formes cubistes connue du célèbre Raskolnikov de Foltýn.
La Vierge bleue a été créée de 1922 à 1924 à Košice. Elle trouve son homologue dans une image analogue mais non signée appelée la Vierge slovaque (provenance de la Galerie Morave de Brno, A 1767). Cette œuvre est en quelque sorte une synthèse des autres paysages de Foltýn, dans lesquels il utilise les mêmes thèmes. À l’arrière-plan de la composition, trois collines du paysage du tableau Pont (Most, Musée de la ville de Brno, 54 810) sont visibles, ou encore l’église de l’Étang (Rybník, Musée de la ville de Brno, 56 700). La peinture est également proche du cubisme des peintures de Raskolnikov (Galerie Morave de Brno, A 2378) et de Dostoïevski (Galerie Morave de Brno, A 1594). C’est précisément dû à cette époque de l’origine de ces peintures en 1922, qu’il semble nécessaire d’envisager un affinement de la date vers cette date, et cela sans la prise en compte de la date injustifiée de la Vierge slovaque en 1924.
La composition présente la vue sur le paysage avec des cimes d’arbres qui se croisent comme sommet. Le centre de l’image comporte la silhouette statique de la vierge assise avec un bébé dans les bras. Un schéma d’un triangle isocèle forme la base par la robe bleue étendue de la Madone passant dans les racines des arbres. Le summum de cette figure géométrique représente la tête de la Madone. La composition est renforcée par trois collines en arrière-plan, dont la plus haute est cachée par la tête de la Madone. Concernant tous les faits mentionnés, nous ne pouvons pas omettre l’interprétation nationale possible de la Vierge bleue. Dans un sens traduit, les trois sommets à l’arrière-plan peuvent être interprétés comme les trois monts Tatra, Mátra et Fatra, formant le motif central de l’emblème national slovaque. Cependant, au lieu d’une croix à deux bras, l’artiste a peint de manière hiérarchique la Vierge Marie conçue avec l’Enfant Jésus, qui, sous la forme d’un parallélisme typologique, représente la croix à deux bras – et peut-être symbolise la jeune République. Ainsi, l’image peut être vue à la fois comme retable mais comme symbole slovaque. La sécularisation du sujet est également caractéristique de la prochaine étape de développement civil de l’artiste. La Vierge et l’Enfant Jésus sont privés de tout attribut, ce qui leur permet de représenter aussi une mère slovaque avec un enfant dans le paysage slovaque.
František Foltýn, La Vierge / Madone Slovaque, 1924, Galerie Morave à Brno.
Après avoir quitté le lycée, Foltýn a effectué un apprentissage de la peinture sur porcelaine chez Augustin Němejec. Ses études menés à l’École des beaux-arts de Prague sous la tutelle du professeur Emanuel Dítě ont été interrompu par le déclenchement de la guerre mondiale. Entre 1918 et 1924, il travailla à Bratislava, à Košice et à la Russie subcarpatique, où il participa activement au renouveau de l’art. Quasi une décennie de 1924 à 1934, il vécut et travailla à Paris. Il s’impliqua de façon intensive dans le mouvement avant-gardiste et devint membre de plusieurs groupes artistiques, dont Porza, Cercle et Carré ou encore Abstraction-Création. En 1937, le peintre s’installa définitivement à Brno, où il travailla jusqu’à sa mort. František Foltýn est l’un des rares artistes et théoriciens tchèques à intervenir dans le développement des arts au niveau mondial.
Tschechischer Kubismus, Emil Filla und Zeitgenossen, Kulturhaus der Stadt Graz, Graz, 1991.
Košická moderna / kontexty meziválečného umění, Alšova jihočeská galerie à Hluboká nad Vltavou, 18/03/2019 – 27/05/2018.
Umenie Podkarpatskej Rusi 1919–1938 / Československá stopa, Východoslovenská galéria à Košice, 03/10/2019 – 23/02/2020.
Gerwald Sonnberger, Tschechischer Kubismus, Emil Filla und Zeitgenossen, Museum Moderner kunst Passau, 1991.
Collection privée de Milan Heidenreich, Gothenburg.