L’intérêt d’Emil Filla pour la nature morte apparaît pour la première fois vers 1912 et ce thème le tient jusqu’en 1948. Ce thème est pour lui un permanent laboratoire, cependant il tente aussi vers la création cubiste et son amour des vieux maîtres, sur lesquelles il écrit nombres études théoriques fondées. Par exemple, à l’époque de La Bouteille de vin et l’Assiette de pommes, il recueille les éléments pour un vaste article sur la Nature morte hollandaise publié en 1916 dans Volné směry.
La période au cours de laquelle ce tableau a été créé est fondamentale pour l’artiste, une époque de grands changements. Au début de 1913, il épouse Hana Krejčová. Il séjourne deux fois à Paris et expose à l’automne dans la galerie avant-gardiste Herwart Walden Sturm, où il présente 34 œuvres. Durant l’hiver de la même année, il expose dans la même galerie, cette fois lors d’une exposition collective (avec par exemple Franz Marc et Pablo Picasso). À partir du printemps 1914, il séjourne plus longtemps à Paris et participe à l’activité artistique et y noue de nombreux contacts. Avec Otto Gutfreund, il rend visite à Georges Braque ; avec Georges Kars, il rencontre la collectionneuse d’art moderne Gertrude Stein, où Filla est présenté à Pablo Picasso. Otto Gutfreund se souvient de ce moment : « J’étais avec Filla dans l’atelier de Picasso, nous marchions dans la rue lorsque Picasso passait en carosse. Quand il vut Filla, qu’il connaissait déjà, il s’est arrêté et nous a invité à l’atelier. » Filla décide en été de s’installer définitivement à Paris. Au début, il décide d’habiter à l’hôtel Roma, rue de Caulaincourt 57, où à cette époque, Georges Braque y loue un atelier. Malheureusement pour Filla, après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, l’artiste est concerné par le décret de mobilisation du 26 juillet. Au début du mois d’août, Emil Filla, citoyen autrichien, doit fuir la France (où en tant que ressortissant étranger, il peut être expulsé), la Belgique, puis aux Pays-Bas.
Quand Emil Filla a écrit : « Les recherches d’aujourd’hui : rechercher et trouver des influences, des schémas de parenté ... une inquiétude étrange ! Tintoretto faisait-il de même lorsqu’il mesurait et examinait les sculptures antiques, ou Rembrandt ? », exprimant son embarras devant les vues du modernisme sur l’originalité. Quel paradoxe ! L’auteur devait lui-même prendre conscience plus tard de la comparaison constante de son propre travail avec les compositions de Pablo Picasso, qu’il considérait comme un pionnier du cubisme. Comme si ces phrases pouvaient être utilisé pour la défense de sa propre activité artistique. Le travail de Filla ne peut être considéré comme une manifestation d’épigonisme ; l’approche de l'artiste étant, contrairement à la position intuitive de Picasso, entièrement analytique. Emil Filla a essayé de comprendre les motifs du nouveau style, qu’il a ensuite projetés dans ses œuvres : « À partir de là (des méthodes de Picasso), Filla part de la déformation expressionniste autour de 1913 à son expression singulière des relations plastiques dans l’espace, qui permet la simultanéité des points de vue sous différents angles afin de poétiser librement la réalité. Cependant, bientôt les peintures de Filla se relâche et, dans une série de natures mortes datant de 1913 et du premier semestre de 1914, il atteint avec une rapidité impressionnante une assurance et une libération de ses soumissions. » (Vojtěch Volavka, Emil Filla, Demokratický střed IX, 1932, n. 21 (27. 5.), p. 2-4.)
La composition La bouteille de vin et l’assiette de pommes a été exposé deux fois au cours de la vie de l’artiste, à Prague et à Brno. Il n’est pas exclu pourtant que le tableau ait déjà été exposé à Berlin à la Galerie Sturm en automne ou en hiver 1913, où Filla a présenté un plus grand ensemble de peintures. Dût au prestige de l’exposition en mai 1932 (étant donné qu’il s'agissait de la première grande exposition solo importante de l’artiste sur le territoire tchécoslovaque), il est certain que Filla a participé à la sélection individuelle des pièces. D’après le catalogue chronologiquement structuré, il est évident que La bouteille de vin et l’assiette de pommes peut être considérée comme la 48ème pièce que l’artiste a jugé digne d’exposition ; ce qui n’est pas un nombre si élevé étant donné l’image publique dominante de la surproduction de l’artiste. La note dans le catalogue montre également que le tableau était peint à Prague. Sur la base d’un détail intéressant, tel que le trompe-l’œil hollandais sous forme d'une enveloppe avec timbre en haut à gauche (l’écrit sur la carte postale peut être considéré comme la troisième signature de l’artiste, qui rend ce tableau le plus signée de Filla), on peut en déduire que l’image pouvait être commencé en mars 1913. Si l’hypothèse de l’exposition de Berlin à l’automne 1913 est valable, le tableau devait être achevé à cette époque ; avec la possibilité donc que la signature de l’autre côté, datant de la période 1913–1914, a été faite après d’éventuelles interventions au printemps 1914 avant le départ de Filla pour Paris la même année. Prague est marquée comme le lieu d’origine et il est difficile d’imaginer que Filla voyage à Paris avec le tableau. Le tableau a été exposé à Brno en octobre 1932. Il s’agissait ici d’une exposition de peintures destinées à la vente. L’exposition fût donc déjà minimisée des prêts privés. La bouteille de vin et l’assiette de pommes portaient le numéro 4 dans le catalogue et avec possibilité d’être vendu à 3 500 couronnes (de Ière République). Emil Filla était de toute évidence l’un des auteurs recherchés de son époque et nombre de ses premières œuvres n’étaient donc plus disponibles.
Jubilejní výstava díla Emila Filly, SVU Mánes, Prague 1932.
Emil Filla, Souborná výstava obrazů pořádaná Skupinou V. U. v Domě umění v Brně, Brno 1932.
Jubilejní výstava díla Emila Filly, SVU Mánes Prague 1932, catalogue no. 48.
Emil Filla. Souborná výstava obrazů pořádaná Skupinou výtvarných umělců v Domě umění v Brně, Brno 1932, catalogue no. 4.
Volné směry XXXIII, 1937, reproduction p. 96.
Vojtěch Lahoda, Emil Filla, Prague 2007, reproduction p. 209.
Collection d’Armand Grosz, Prague