La création d’Emil Filla est l’une des manifestations les plus importantes de l’avant-garde tchèque. Cet artiste analytique suivit de près les tendances mondiales et les développa de manière créative. Le niveau d’authenticité de son expression artistique en rapport aux influences étrangères faisait souvent l’objet de discussions. Vincenc Kramář, historien de l’art et collectionneur de Picasso, s’est exprimé plusieurs fois sur la comparaison constante de Filla à Picasso, en définissant clairement les différences d’approche à la peinture. En 1947, il revient ainsi rétrospectivement sur le travail de Filla des années 1930 : « Les tableaux de Filla sont bien plus proches des organismes naturels ; ils sont plus sensoriels et conçus de manière plus picturale ainsi que de manière plus plate que les femmes de Picasso, sur lesquelles nous pouvons dire qu’elles sont des plastiques projetées en surface. C’est la différence essentielle entre l’art de Filla et celui de Picasso. Toutefois, les peintures de Filla démontrent que l’artiste s’intéresse aux exercices artistiques similaires et sort principalement des plastiques de Picasso. » (Vincenc Kramář, Emil Filla, œuvre de 1946–1947, Prague 1947, p. 13-14.)
Au fil des années, Emil Filla a évolué vers différentes formes d’expressivité avec une exagération romantique caractéristique. La plupart des œuvres sont de nature contemplative, à la fois par leur conception que par le thème lui-même. Le thème de la femme, régulièrement développé chez Picasso, a commencé à inspirer Filla dès la seconde moitié des années 1920 et l’a aidé à se libérer des déformations cubistes afin d’adopter une position plus expressive. Une réaction consciente provenant des études de tableaux de la Renaissance l’Antique a permis aux deux auteurs de procéder de manière différente au traitement des actes féminins.
Les œuvres de Filla semblent, à travers l’emploie de nombreux gestes mélancoliques, de nature sensuelle contemplative. Le portrait de la maîtresse Marie-Thérèse Walter de Picasso est au contraire sensuellement érotique, comme le confirme le professeur Lahoda, auteur de la dernière monographie officielle de Filla. Il décrit le point culminant de la création de Filla de 1932 et 1934 ainsi : « C’est dans les peintures féminines que Filla a atteint son apogée en combinant la vitalité de la peinture et un sous-texte érotique animalier de ces figures, même si pas autant ouvertement que Picasso. » (Vojtěch Lahoda, Emil Filla, Praha, 2007, p. 311.)
Vojtěch Lahoda, Emil Filla, Academia, Praha, 2007, p. 340 (dessin).
Collection privée d’Arnold A. Saltzman (1916–2014), New York.