Le Bethléem de Hlinsko provient de la meilleure période de Slavíček. Son ami Miloš Jiránek a déclaré : « C’est seulement au cours des années que j’ai appris à apprécier les artistes, je me suis aussi rapproché de Slavíček – l’homme et nos rencontres, nos promenades et voyages communs, bien qu’ils n’aient jamais été réguliers, m’ont laissé de beaux souvenirs, comme cette visite à Kameničky, dans ses meilleurs moments. »
Le thème de la composition est constitué de quelques chalets situés dans le village de Bethléem près de Hlinsko (aujourd’hui un musée à ciel ouvert), que l’artiste a capturé précisément dans les intentions de ses propres réflexions, exprimées à plusieurs reprises dans des lettres à ses amis : « J’ai vu les régions pauvres derrière Hlinsko. Tout y est petit, serré les uns contre les autres, pauvre, absolument pauvre. Et au-dessus de tout, les cieux, comme pour concilier la pauvreté, la misère et la pauvreté de ces tisserands dans les maisons minuscules. J’ai vu ces personnes, au lieu des chars, labourer eux-mêmes un sol pierreux et dur. Il y a des impressions qui abattent le cœur d’un homme. » (Lettre à K. B. Madl).
Pour réaliser Visite de la Vysočina, Slavíček s’est inspiré du roman L’ouest (1899) de son ami Karel Václav Rais, qui, en avril 1903, lui a aussi fait la demande d’être héberger à Kameničky à l’automne de la même année. Slavíček a ensuite, de manière aléatoire, vécu avec toute sa famille à Kameničky, où il s’est mis à parcourir la région de Vysočina à la recherche de motifs. À cette période, de nombreux amis lui rendaient également visite (outre K. V. Rais déjà mentionné, il y avait aussi J. Herben, H. Masaryk, M. Jiránek, O. Nejedlý ou J. Goll). De toute évidence, l’artiste noua avec cette région de forts liens à travers son paysage et la dure vie de ses habitants. La peinture de l’artiste est une sorte de recherche des racines d’une culture authentique et immaculée, dont on peut trouver une analogie par exemple dans la culture ruraliste. Dans les souvenirs de ses amis, la période à Kameničky (1903–1905) fut sa période la plus heureuse, et qui donna notamment naissance à son tableau le plus célèbre, Chez nous à Kameničky.
C’est de manière inattendue, après sa mort, qu’Antonín Slavíček a trouvé ses admirateurs. Vítězslav Nezval, en 1955, a interprété la vaste monographie de l’artiste au fils de ce dernier, Jan Slavíček. Il a rédigé la monographie sans approche idéologique. Il s’agit de la première synthèse érudite du travail de Slavíček. Le Bethléem de Hlinsko y est aussi reproduit en couleur, à une époque où la plupart des livres n’étaient pas imprimés en couleurs. Cette production couleur de l’artiste témoigne de l’attention que ce poète portait à son œuvre. Dans la monographie de Nezval, la peinture est datée autour de 1903, ce qui prouverait qu’il s'agit probablement d’une des premières compositions créées lors du premier voyage de l'artiste dans la région de Vysočina. De plus, il semblerait que Nezval ait profité de l’occasion pour copier l’œuvre de sa propriété, en demandant quelques années auparavant à la fille de Slavíček, historienne de l’art, Anna Masaryková et au peintre Maxmilián Švabinský, de confirmer l’authenticité de cette peinture : « Je confirme l’authenticité de l’original Ant. Slavíček, A. Masaryková-Slavíčková 1941 » et : « Ant. Slavíček, original, beau, très bien conservé. 31. 5. 51 M. Švabinský. » Nezval lui-même qualifiait les formats intimes de « petits archi-œuvres ».
L’œuvre similaire, de même taille, intitulé Hlinsko (1903) a été acquise en 1910 par August Švagrovský, collectionneur le plus important de Slavíček (elle est aujourd’hui conservée à la Galerie d’Art Moderne à Roudnice nad Labem, O 37). Outre un charme hors pair, les compositions similaires de Slavíček reposent sur sa manière d’anticiper en peinture l’ancienne ville de Prague : l’auteur y capture l’image de la vieille ville en disparition, à travers les années qui ont suivi.
Antonín Slavíček est né le 16 mai 1870 à Prague. En 1887, il fut admis à l’école de paysage de Julius Mařák à l’Académie des beaux-arts de Prague. À la fin des années 80, il flirte avec l’idée de devenir prêtre. Pour cette raison, il avait l’intention d’entrer dans le monastère bénédictin de Rajhrad. En 1889, cependant, il retourne sur le sol académique. En 1892, il devint membre d’un collectif artistique, Umělecká beseda, dont il participe aux activités jusqu’en 1897. L’année suivante, il expose déjà au SVU de Mánes. Après la mort du professeur de paysage Julius Mařák, il occupe le poste pendant un court laps de temps avec la perspective d’en tirer le titre de professeur. Cet échec sera longtemps perçu comme l’injustice de sa vie, tout autant que pour une partie de la jeune génération qui considérait Slavíček comme leur représentant principal. Cet événement a longtemps polarisé la communauté artistique et provoqué de nombreuses émeutes. En 1900, il loue un atelier dans la vieille ville et commence à peindre les premiers tableaux sur les motifs de la ville de Prague. En 1903, il peignit pour la première fois Kameničky, qui devint longtemps l’un de ses thèmes principaux. En 1909, lors d’un bain, il subit un accident vasculaire cérébral qui lui entraîne une paralysie de la partie droite du corps. Pendant une courte période, il essaye donc de peindre de sa main gauche. L’impuissance de la situation le pousse l’année suivante au suicide.
Antonín Slavíček, Galerie nationale de Prague (Jízdárna Pražského hradu), 1961.
Antonín Slavíček – Kameničky, Galerie d’art de Karlovy Vary, 2014.
Antonín Slavíček – Kameničky, Galerie de l’Est de la Bohème de Pardubice, 2014.
Vítězslav Nezval, Antonín Slavíček, Prague 1955 (ill. VI, couleur).
Collection de Vítězslav Nezval (ensuite propriété de František Nezval).